À l’approche de Thanksgiving, célébrant les récoltes annuelles, les femmes du secteur agricole souhaitent sensibiliser à une réalité qui les préoccupe : la surcharge mentale.
Le constat est frappant : selon un récent sondage Léger commandé par la Fédération des agricoles du Québec (AQ), pas moins de 90 pour cent d’entre elles considèrent que leur charge de travail mental est élevée.
Dans le but de réduire ce fardeau, l’organisme a lancé cette semaine son programme automnal d’activités de soutien sur sa plateforme Tellementplus.ca, basé sur un encadrement par des pairs et des experts.
«Notre objectif est de soutenir le plus de femmes possible et de leur fournir des outils, car la bataille est loin d’être terminée», a déclaré la directrice générale d’AQ, Katherine Rousseau. « Il existe toujours des inégalités, des préjugés sexistes et des obstacles pour les femmes entrepreneures. Tant que ces problèmes subsisteront, nous travaillerons aux côtés des agricultrices pour améliorer leur sort.
Selon l’enquête, les principales sources de stress conduisant à une surcharge mentale sont le multitâche, la pression sur la productivité, les problèmes financiers, les responsabilités familiales et les conditions météorologiques.
« Grâce à cette enquête, nous pouvons cibler les besoins des agricultrices et ajuster nos offres en conséquence. Les résultats confirment ce que nos adhérents nous disent depuis plusieurs années : la situation est préoccupante et nous concerne tous, compte tenu du rôle fondamental et structurant que joue les femmes jouent dans le secteur agricole au Québec», a déclaré la présidente d’AQ, Valérie Fortier, qui fait partie des 27 pour cent de femmes propriétaires ou copropriétaires d’entreprises agricoles dans la province.
La productrice laitière de Saint-Valère, au Centre-du-Québec, souligne que même si le nombre de femmes a augmenté depuis ses débuts dans l’entreprise, «la surcharge mentale a aussi évolué au fil des années».
Les agricultrices intéressées peuvent être accompagnées à chaque étape de leur parcours : «Nous proposons des programmes d’accompagnement depuis le démarrage du projet jusqu’à la transmission de l’entreprise, car c’est quelque chose que l’on planifie. Il y aura donc moins de surcharge.»
La mère se sent privilégiée de voir sa succession assurée, ce qui est loin d’être la norme.
«De mes trois enfants, un étudie actuellement la mécanique agricole, un veut devenir vétérinaire et mon fils veut reprendre l’exploitation. J’aurai donc le trio parfait !»
Même si ses enfants sont maintenant adolescents, concilier travail et famille reste un défi.
« Ce n’est plus aussi grave qu’avant, mais je suis plutôt une « taximom ». J’essaie de concilier travail, implication et taxi », s’amuse Fortier.
D’après sa propre expérience et les témoignages qu’elle entend, les femmes ont généralement plus sur les épaules que les hommes.
«Au niveau de l’entreprise, les femmes font à peu près la même chose que les hommes, mais en plus de cela, il y a la comptabilité, dont les femmes s’occupent à 90 pour cent, la gestion de la famille et les tâches ménagères. Nous accomplissons plus d’une tâche par jour. Nous avons plus de rôles », a déclaré Fortier.
Les femmes interrogées ont déclaré occuper en moyenne 5,1 postes différents au sein de leur entreprise.
Surmonter le syndrome de l’imposteur
De par sa nature, l’agriculture est un domaine solitaire. Pouvoir compter sur un tel réseau permet non seulement de briser cet isolement mais surtout de mutualiser les ressources et ainsi de s’entraider.
«Nous avons des cellules de cours où une dizaine de productrices se réunissent pendant plusieurs semaines à la fois», a expliqué Fortier. «Chaque semaine, une femme parle d’un problème spécifique qu’elle rencontre et ensemble, elles trouvent des solutions possibles. Une femme qui ne travaille pas dans le même genre de production peut avoir une idée comme celle-là, et ce sera une idée. cela a du sens. La femme le mettra en pratique et cela réduira sa charge mentale.
Fortier a ajouté que « plus notre charge mentale est élevée, plus nous devenons isolés et plus la situation empire ».
«Plus nous en parlerons, plus les femmes pourront chercher des outils pour s’aider elles-mêmes, et cela ne fera que s’améliorer», dit-elle. «Il faut garder espoir.
Mais la bataille n’est pas encore gagnée. Les préjugés persistent.
«Les femmes ont souvent le syndrome de l’imposteur. Nous avons tendance à penser que parce que nous sommes des femmes, nous sommes restreintes», a déclaré Fortier. «Il y a eu une évolution, mais si nous continuons à élever nos enfants en disant à la fille d’aider maman à la cuisine et au garçon d’aider son père à l’écurie ou aux champs, nous ne changerons pas l’éducation. Il y a encore des préjugés dans toutes les tranches d’âge.
« Un soir, en rentrant de l’école, ma fille, qui étudie en mécanique agricole, m’a dit : ‘Maman, je comprends pourquoi tu t’engages à la Fédération des agricoles.’ Les gars avaient pris toutes les chaises pour s’asseoir au déjeuner, un derrière sur deux chaises, pour montrer qu’il n’y avait plus de place pour elle.
«Elle m’a dit : ‘Je suis allée me chercher une chaise dans une autre pièce, je me suis assise à table et je les ai regardés. Ce n’est pas vrai que je vais manger chez nous et leur donner la raison pour laquelle je ne le fais pas.’ ma place est là. On parle de jeunes entre 16 et 18 ans, donc il y a encore beaucoup de travail à faire pour changer les mentalités.»