Le ministre de la Langue française du Québec a tenté d’apaiser les inquiétudes concernant le réseau de la santé mercredi, insistant sur le fait que la communauté anglophone n’aura pas besoin de prouver qu’elle est admissible à recevoir des soins en anglais.
Les commentaires de Jean-François Roberge surviennent après la publication, le 18 juillet, de nouvelles directives en matière de langue française dans le réseau de la santé de la province, qui précisent que toutes les communications, y compris orales, doivent être en français.
Une exception prévue pour les anglophones prévoit que les « anglophones historiques » peuvent fournir un certificat d’admissibilité s’ils souhaitent recevoir des communications exclusivement en anglais de la part des professionnels de la santé.
Il existe toutefois d’autres exceptions qui permettraient également à une personne de recevoir des soins dans une langue autre que le français, notamment dans les situations d’urgence, lorsqu’un patient doit consentir à un traitement ou lorsqu’il doit prendre des décisions affectant sa santé et son bien-être, entre autres.
Dans une publication sur les réseaux sociaux, Roberge a nié les allégations selon lesquelles recevoir des soins de santé dans une langue autre que le français serait impossible à moins que le patient puisse fournir une déclaration d’admissibilité pour recevoir une éducation en anglais du ministère de l’Éducation du Québec.
Il réagissait à un reportage sur les directives dans la Gazette de Montréal.
« Peu importe ce qui a été dit ces derniers jours, la directive émise par le ministère de la Santé et des Services sociaux est claire : elle permet à toutes les personnes qui le désirent de recevoir des soins de santé dans une autre langue que le français », écrit M. Roberge.
« La directive du MSSS, tout comme la Charte de la langue française, stipule clairement qu’une organisation peut renoncer à l’usage exclusif du français lorsque la santé, la sécurité publique ou les principes de justice naturelle l’exigent. Nous ne dérogerons jamais à ce principe; il est écrit noir sur blanc dans la loi! »
Roberge a ajouté qu’à l’exception de la communauté anglophone historique, les directives prévoient que les communications de nature administrative ou celles qui ne compromettent pas la santé de l’usager doivent être en français.
« Les gens ne devraient pas douter d’eux-mêmes »
Toutefois, les défenseurs de cette cause soutiennent que les nouvelles directives sèment la confusion et pourraient conduire davantage de personnel médical à quitter le secteur.
Eric Maldoff, associé au cabinet d’avocats montréalais Lapointe Rosenstein Marchand Melançon, estime que le système de santé et de services sociaux ne devrait pas être le champ de bataille des débats linguistiques.
« La directive et la loi fonctionnent de la manière suivante : même en cas d’exception, il faut éviter d’utiliser une autre langue, à moins que cela ne soit absolument nécessaire, auquel cas vous pouvez l’utiliser. Le fournisseur peut l’utiliser », a expliqué Maldoff.
« Les gens ne devraient pas se poser de questions. « Est-ce que je peux l’utiliser ? Est-ce que je peux ne pas l’utiliser ? Est-ce que quelqu’un va m’écouter et me dénoncer ? » Cela va être un très grand défi et c’est la question qui se pose à nous dans le système de santé. »
Maldoff a ajouté que le certificat d’admissibilité a été élaboré pour l’éducation et non pour des raisons de santé et de services sociaux.
« Que se passe-t-il s’il y a quelqu’un ici en provenance des États-Unis et qui n’a pas de certificat d’éligibilité ? Il ne parle que cette langue. Maintenant, vous allez me dire que la directive dit qu’une autre langue peut être utilisée, mais les réflexes ne seront pas là », a-t-il dit.
L’avocat a souligné que l’obtention d’un certificat serait difficile pour les Québécois anglophones plus âgés, car l’Office québécois de la langue française a déclaré qu’il ne délivre plus de certificats aux personnes déjà diplômées.
La directrice générale du Quebec Community Groups Network (QCGN), Sylvia Martin-Laforge, affirme que les anglophones ont besoin d’être rassurés par le ministre de la Santé.
« On parle de santé, donc tout ce qui pourrait avoir une influence ou un impact sur la façon dont les services de santé et sociaux sont fournis par le personnel ou au patient devrait être discuté avec le ministre de la Santé », a déclaré Mme Matin-Laforge.
De plus, elle a qualifié ces directives de « déstabilisantes » pour le réseau de la santé et a souligné qu’elle s’inquiétait des conséquences négatives potentielles de ces décisions bureaucratiques sur la santé.
Mercredi soir, Roberge a indiqué qu’il rencontrerait des représentants de la communauté anglophone pour écouter leurs préoccupations et apporter des éclaircissements si nécessaire.