Un ex-ministre évoque une «menace pour la sécurité» pour avoir refusé un passeport d’urgence à Abdelrazik

OTTAWA – L’ancien ministre des Affaires étrangères Lawrence Cannon a déclaré qu’il avait refusé un passeport d’urgence à Abousfian Abdelrazik en 2009 parce qu’il considérait l’homme de Montréal comme une menace possible à la sécurité …

Abousfian Abdelrazik makes his way to federal court in Ottawa on Oct. 30, 2024. (Adrian Wyld / The Canadian Press)

OTTAWA –

L’ancien ministre des Affaires étrangères Lawrence Cannon a déclaré qu’il avait refusé un passeport d’urgence à Abousfian Abdelrazik en 2009 parce qu’il considérait l’homme de Montréal comme une menace possible à la sécurité nationale.

Cannon a déclaré mardi lors d’une audience à la Cour fédérale qu’il ne voulait pas qu’Abdelrazik revienne du Soudan au Canada et « mette les Canadiens en danger ».

Abdelrazik, d’origine soudanaise, s’est installé à Montréal en tant que réfugié et est devenu citoyen canadien en 1995.

Lors d’une visite dans son pays natal en 2003 pour voir sa mère malade, il a été arrêté, emprisonné et interrogé sur des liens présumés avec des extrémistes.

Abdelrazik, qui nie toute implication dans le terrorisme, affirme avoir été torturé par les autorités soudanaises pendant deux périodes de détention.

Il poursuit le gouvernement canadien, affirmant que les autorités ont organisé son emprisonnement arbitraire, encouragé sa détention par les autorités soudanaises et entravé son rapatriement au Canada pendant plusieurs années.

Le procès nomme également Cannon, ministre conservateur des Affaires étrangères d’octobre 2008 à mai 2011.

Les avocats fédéraux affirment qu’Abdelrazik est l’auteur de ses propres problèmes, affirmant que le Canada n’a pas exhorté le Soudan à le maintenir en détention ou à le maltraiter, ni à créer un risque que de telles choses se produisent.

La deuxième libération d’Abdelrazik de détention soudanaise a eu lieu en juillet 2006. Cependant, son inscription sur une liste de surveillance de sécurité des Nations Unies a compliqué ses efforts pour revenir au Canada. À plusieurs reprises, il figurait également sur les listes d’interdiction de vol américaines et canadiennes.

En réponse à une question du ministère canadien des Affaires étrangères, le Service canadien du renseignement de sécurité et la GRC ont déclaré en novembre 2007 qu’aucune des deux agences ne disposait d’informations actuelles et substantielles pour soutenir le maintien d’Abdelrazik sur la liste de l’ONU.

Mais Abdelrazik est resté bloqué au Soudan.

En avril 2008, il a cherché refuge à l’ambassade du Canada à Khartoum. Il y a vécu dans des conditions précaires pendant plus d’un an.

Les responsables canadiens ont déclaré à plusieurs reprises que le gouvernement fédéral lui délivrerait un passeport d’urgence s’il était en mesure d’organiser un passage aérien vers le Canada.

En mars 2009, Abdelrazik a obtenu un billet pour le Canada pour le mois suivant.

Un message électronique du 12 mars 2009 déposé au tribunal indique que le bureau de Cannon remettait en question l’autorité de délivrer un passeport d’urgence à Abdelrazik alors qu’il figurait sur la liste de l’ONU.

Cannon semblait en savoir peu sur l’enquête, suggérant qu’un de ses collaborateurs cherchait plus d’informations, «autant que nous recherchions tous des informations».

Début avril 2009, Cannon a refusé à Abdelrazik un document de voyage d’urgence en vertu d’un article du Décret sur les passeports canadiens qui stipulait qu’il pouvait refuser ou révoquer un passeport si « une telle action est nécessaire pour la sécurité nationale du Canada ou d’un autre pays ».

Cannon a déclaré mardi au tribunal que la responsabilité de la sécurité nationale est l’un des rôles importants joués par un ministre.

«J’ai pris cette responsabilité très au sérieux», a déclaré Cannon. «Je ne voulais mettre aucun Canadien en danger ni voir M. Abdelrazik revenir au Canada et constituer une menace à la sécurité et aux moyens de subsistance d’un certain nombre de Canadiens.»

Paul Champ, un avocat d’Abdelrazik, a déclaré lors du contre-interrogatoire de Cannon que Passeport Canada était tout à fait prêt à délivrer le document avant la décision du ministre.

«Je suggère que quelqu’un de votre bureau a freiné et a dit: ‘Attendez, ne publiez pas cela, parce que M. Cannon veut l’examiner. Je vous suggère que c’est ce qui s’est passé.»

«Je ne peux pas confirmer ce que vous suggérez», a répondu Cannon. «Je ne sais pas.»

Abdelrazik a déclaré au tribunal que le refus de passeport était comme « une montagne qui me tombait sur la tête », provoquant une grande détresse.

Il est revenu au Canada fin juin 2009 après qu’un juge a statué qu’Ottawa avait violé le droit que lui confère la Charte d’entrer au Canada en lui refusant un document de voyage temporaire.