Des débats font rage autour de la question de savoir si le nombre croissant de personnes souffrant d’allergies saisonnières est dû à une décision sexiste des urbanistes.
Selon les chercheurs, plus d’un quart des Canadiens souffrent d’allergies saisonnières.
Certains accusent le sexisme botanique – un terme qui décrit la préférence d’une ville à planter des arbres mâles parce qu’ils ne couvrent pas le sol de fruits ou de fleurs.
Cependant, les arbres mâles produisent beaucoup de pollen, ce qui, s’ils sont plantés en abondance, pourrait signifier que les personnes allergiques souffrent plus que nécessaire.
« Certains spécialistes disent qu’il vaut mieux planter des arbres mâles en ville parce qu’ils ne produisent pas de fruits, explique Sarah Tardif, doctorante en biologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). On ne sait pas si c’est vrai ou non. »
Tardif est membre de la chaire de recherche sur la forêt urbaine de l’UQAM, qui vise à « étudier comment les arbres sont répartis dans le monde, comment leur diversité affecte le fonctionnement des forêts, comment ils interagissent entre eux, avec d’autres organismes, ainsi qu’avec nous ».
Une partie de ses recherches consiste à inventorier tous les arbres de l’île de Montréal.
« On sait que certaines espèces peuvent être plus allergènes que d’autres, explique M. Tardif. Par exemple, toutes les espèces pollinisées par le vent sont plus allergènes que celles pollinisées par les insectes. »
Elle note que même si les bouleaux sont loin d’être l’espèce la plus abondante à Montréal, ils produisent une grande quantité de pollen qui peut voyager plus loin que les autres types d’arbres.
« C’est l’un des arbres qui poussent très vite au début du développement, c’est pourquoi on les appelle les espèces pionnières », explique M. Tardif, expliquant pourquoi les villes continuent à en planter. « Si on veut un gros arbre dans quelques années, c’est bien, mais pour les allergies, ce n’est pas le meilleur choix. »
Quoi qu’il en soit, elle dit que les allergies ne sont généralement pas prises en compte lors de la plantation d’arbres dans les villes.
« Nous n’avons pas beaucoup d’informations sur le type de pollen que nous avons dans l’air, et surtout sur les espèces qui sont plus allergisantes que les autres », a-t-elle déclaré, expliquant que c’était l’un des objectifs de son projet de doctorat. « L’objectif principal de mon projet est de voir quel type de pollen nous avons dans l’air. »
L’une des questions à laquelle elle souhaite répondre est de savoir si le pollen capturé dans ses pièges provient d’arbres proches ou éloignés.
« Nous relions les données polliniques aux symptômes allergiques de la population à proximité de nos pièges », explique Tardif.
La chercheuse, qui a vécu avec des allergies saisonnières dans sa France natale, dit ne pas avoir les mêmes afflictions à Montréal.
« Nous devons mieux comprendre l’allergénicité des arbres, car l’allergénicité des arbres peut être due à plusieurs facteurs, a expliqué M. Tardif. Il peut s’agir de la quantité de pollen produite par les arbres, mais aussi de ce qui est libéré. »
Elle ajoute que les facteurs météorologiques peuvent également jouer un rôle.
« Quand il y a plus de vent ou de temps plus sec, et aussi avant les orages, indique M. Tardif, cela montre qu’il y a plus de pollen libéré dans l’air à ce moment-là. »
De son côté, la Ville de Montréal dit ne pas connaître la proportion d’arbres mâles/femelles sur son territoire.
« Nous ne tenons pas compte du sexe des arbres dans nos choix de plantation, sauf pour les espèces qui produisent des fruits, ce qui peut demander plus d’entretien », explique Camille Bégin, relationniste à la Ville de Montréal.
Les autorités estiment que la question principale est de savoir si le pollen produit par certains types d’arbres est allergène, que l’arbre soit mâle, femelle ou qu’il possède à la fois des fleurs mâles et femelles.
«De nouvelles études pointent du doigt certaines espèces d’érables, qui auraient un potentiel allergène important, et que l’on retrouve en grande quantité dans plusieurs grandes villes, dont Montréal», a déclaré Mme Bégin.
Elle ajoute que la Ville de Montréal travaille avec le laboratoire de l’UQAM, dirigé par le Dr Alain Paquette, pour en apprendre davantage sur le sujet.
« Les résultats de ces recherches guideront certainement les plantations futures », a déclaré Mme Bégin.
En bref, il reste encore beaucoup à découvrir en ce qui concerne la relation entre les différents types d’arbres et le nombre croissant de personnes souffrant d’allergies.
« Peut-être que certains d’entre eux (les arbres) sont là par régénération ou simplement par semis d’autres arbres, mais la plupart sont plantés, donc nous pouvons contrôler ce que nous plantons », a déclaré M. Tardif. « C’est la spécificité des villes. Sachant cela, nous pouvons sélectionner les meilleurs arbres en fonction des allergies, et aussi des services écosystémiques que nous souhaitons pour la population. »
Toutes les principales essences d’arbres allergènes au Québec sont répertoriées ici.