Canada Jetlines devient la dernière victime d’un secteur aérien impitoyable

Moins de deux ans après son premier vol, Canada Jetlines a cloué ses avions au sol et cessé ses opérations en raison d’une crise de trésorerie qui l’a amené à devenir le troisième transporteur canadien …

Canada Jetlines devient la dernière victime d'un secteur aérien impitoyable

Moins de deux ans après son premier vol, Canada Jetlines a cloué ses avions au sol et cessé ses opérations en raison d’une crise de trésorerie qui l’a amené à devenir le troisième transporteur canadien en moins d’un an à cesser ses vols.

La compagnie aérienne à bas prix, qui volait principalement vers des destinations soleil au départ de Toronto en plus de vols charters et de contrats de location, a déclaré jeudi qu’elle n’avait pas réussi à trouver le capital nécessaire pour rester à flot et qu’elle prévoyait de demander la protection de ses créanciers.

« La société … a étudié toutes les alternatives de financement disponibles, y compris les transactions stratégiques et les financements par actions et par emprunt », a déclaré la porte-parole Erica Dymond dans un communiqué.

« Malheureusement, malgré ces efforts, l’entreprise n’a pas été en mesure d’obtenir le financement nécessaire pour poursuivre ses opérations à ce stade. »

Les passagers ayant déjà réservé doivent contacter leur société de carte de crédit pour obtenir un remboursement, a indiqué la compagnie. « Tous les efforts sont faits pour aider les passagers en ce moment. »

La négociation des actions de la société sur le NEO Exchange a été interrompue mercredi après-midi.

La fermeture fait suite à la démission de quatre membres du conseil d’administration lundi, dont la présidente et directrice générale Brigitte Goersch.

Cela marque un autre départ de compagnie aérienne du ciel canadien après la fermeture de Lynx Air en février et du transporteur à bas prix Swoop en octobre dernier, alors que les inquiétudes concernant la concurrence intérieure persistent.

« Chaque fois qu’il y a une perte de concurrence sur le marché canadien, c’est un peu triste pour les voyageurs, car cela exerce moins de pression sur les prix », a déclaré Jacques Roy, professeur de gestion des transports à HEC Montréal.

Les compagnies aériennes canadiennes ne représentent qu’une fraction des vols vers les destinations soleil, a-t-il précisé.

La fermeture souligne également les défis que représente la gestion d’une compagnie aérienne dans un vaste pays avec une population dispersée et seulement quelques pôles de transport aérien clés.

« Chaque fois qu’un nouvel acteur veut entrer sur le marché, il n’y a qu’une certitude : il va perdre de l’argent pendant les huit, neuf, dix premiers mois au moins, et peut-être même plus. Il faut donc avoir un bon compte en banque », explique M. Roy, soulignant que les voyageurs de loisirs sont particulièrement sensibles aux prix.

« Les principaux acteurs joueront le jeu de la concurrence. Et si vous réduisez vos tarifs en dessous de vos coûts, c’est la recette de l’échec à court terme », a-t-il déclaré.

« C’est un marché difficile. »

Jusqu’à jeudi, Canada Jetlines effectuait quelques dizaines de vols par mois de Toronto à destination de Miami et Orlando, en Floride, ainsi que de Cancún, au Mexique, selon la société de suivi aérien Cirium.

La compagnie aérienne a également effectué des vols nolisés, notamment pour trois équipes de la Ligue canadienne de football. La compagnie aérienne a signé des contrats avec les Redblacks d’Ottawa, les Tiger-Cats de Hamilton et les Argonauts de Toronto, qui lui ont permis de transporter des joueurs pour sélectionner des matchs à l’extérieur la saison dernière. Le contrat des Redblacks était un contrat de trois ans qui pourrait ne plus être respecté.

L’arrêt de jeudi ne laisse qu’un seul transporteur à bas prix au Canada – Flair Airlines – aux côtés des autres principaux acteurs : Air Canada, WestJet, Porter Airlines, Air Transat et Sunwing Airlines, propriété de WestJet.

Le mois dernier, le commissaire à la concurrence Matthew Boswell a lancé une étude de marché sur les services aériens intérieurs, dans un contexte de frustration constante des passagers face aux prix et à la qualité.

Canada Jetlines, qui a eu du mal à faire décoller plus d’une poignée d’avions depuis son vol inaugural en septembre 2022, a été confrontée à une série de contretemps avant même les turbulences de cette semaine.

Le 30 juin, Eddy Doyle a démissionné de son poste de PDG après avoir assumé ce rôle en 2021.

En janvier 2023, la compagnie a mis en pause ses liaisons intérieures alors qu’elle se recentrait sur les destinations soleil et la location de ses avions, mais a déclaré à l’époque qu’elle avait l’intention de reprendre les vols intérieurs cet automne.

En octobre 2019, l’entreprise de Mississauga, en Ontario, a annoncé qu’elle reportait son lancement prévu en décembre et qu’elle licenciait la plupart de ses employés après avoir échoué à obtenir le financement nécessaire et avoir perdu des partenaires d’investissement. Le retard a fini par durer près de trois ans, en partie à cause de la pandémie de COVID-19.

Ce revers de 2019 fait suite à sept années de levée de fonds et malgré le fait qu’Ottawa ait relevé le plafond de propriété étrangère des compagnies aériennes canadiennes de 25 % à 49 % en 2018, permettant ainsi un bassin plus large d’investisseurs.

Selon les documents financiers, Canada Jetlines a perdu 14,2 millions de dollars au cours des 12 mois allant de mars 2023 à mars dernier, malgré un bénéfice réalisé au cours de l’un des trimestres. Les revenus trimestriels se situaient entre 8 et 12 millions de dollars.

En mai, la société a obtenu un prêt de 2 millions de dollars de Square Financial Investment Corp., une société de portefeuille basée à Mississauga et détenue par le membre du conseil d’administration Reg Christian, qui a été nommé vice-président exécutif en conséquence.

Canada Jetlines affichait un déficit de 38,3 millions de dollars et un fonds de roulement négatif de 14,9 millions de dollars au 31 mars.

Le 10 mai dernier, la société indiquait dans ses états financiers qu’elle prévoyait de passer à sept avions d’ici la fin de l’année et à 15 appareils d’ici 2026.