Catherine Beauchemin-Pinard aurait pu tourner la page des rigueurs du judo de compétition.
Médaillé de bronze aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021 et également médaillé d’argent aux championnats du monde de 2022, le joueur de 30 ans est titulaire d’un baccalauréat en comptabilité et est en voie d’obtenir un diplôme d’études supérieures spécialisées en fiscalité.
Alors pourquoi endurer le difficile processus de deux ans du judo pour se qualifier pour les Jeux de Paris cet été ? Parce qu’elle n’est tout simplement pas encore satisfaite.
« Je pense à une médaille, même à l’or, je ne vais pas me le cacher », a-t-elle déclaré quelques semaines avant de s’envoler pour Paris, où elle sera tête de série numéro 1 dans la catégorie des 63 kilos.
« Mais l’important est de se concentrer sur les bonnes choses. J’ai réussi à le faire à Tokyo, où j’étais aussi en course pour une médaille. Mais après le bronze, j’en veux plus. »
Beauchemin-Pinard, originaire de Saint-Hubert, au Québec, fait partie d’une solide équipe canadienne de judo qui se rendra à Paris. Elle se joint à Christa Deguchi, double championne du monde et favorite dans la catégorie des 57 kilos, à sa sœur Kelly Deguchi et à la médaillée d’argent mondiale dans la catégorie des 100 kilos, Shady El-Nahas, entre autres.
Les compétitions de judo se dérouleront du 27 juillet au 3 août à la Champ-de-Mars Arena, une spectaculaire structure temporaire construite au pied de la tour Eiffel.
Beauchemin-Pinard sera en action le 30 juillet et elle dit être bien préparée pour l’occasion.
« Se fixer des objectifs est une chose, mais pour les atteindre, il faut se préparer », a-t-elle déclaré. « J’ai plus d’objectifs de préparation pour arriver aux Jeux prête, aussi bien physiquement que mentalement, reposée et prête à me battre. De cette façon, je pourrai atteindre ce que je veux atteindre. »
Beauchemin-Pinard n’a pas peur de la pression d’être la tête de série d’un tournoi. Elle s’est déjà retrouvée dans cette position auparavant.
« Lors des premiers tournois en tant que numéro 1 mondiale, j’aurais peut-être ressenti plus de pression. Mais le judo réserve des surprises, tout le monde peut perdre en 30 secondes », a-t-elle déclaré. « Beaucoup sont parfois classés premiers, cela ne veut pas dire qu’ils seront sur le podium.
« C’est toujours flatteur d’être parmi les meilleurs mondiaux, surtout d’être dans le top 8 d’un point de vue stratégique, mais après, je reste réaliste avec la nature de mon sport, qui peut être très imprévisible. »
Tous les combats de judo d’une même catégorie de poids se déroulent le même jour, exigeant non seulement une excellente condition physique mais aussi une grande force mentale de la part des athlètes.
Beauchemin-Pinard se prépare en dressant la liste de tous ses concurrents et en rédigeant un plan pour chacun d’eux. Lorsque le tirage au sort est effectué, elle se penche encore plus sur les personnes qu’elle pourrait rencontrer sur le chemin de la finale.
« Mais je vais un combat à la fois. Si je veux atteindre la finale, je n’ai pas d’autre choix que de gagner mon premier combat », a-t-elle déclaré. « Même pendant le combat, à chaque fois que l’arbitre l’arrête, je recommence. La séquence précédente est terminée, je me concentre sur la suivante. »
« Entre les combats, j’ai une bonne discussion avec mon entraîneur », a-t-elle ajouté. « À Tokyo, je pensais gagner mon premier combat plus rapidement, mais il y a eu des prolongations et j’ai un peu paniqué. Quand je suis sortie, j’en ai parlé avec (mon ancien entraîneur) Sasha (Mehmedovic). Il m’a rappelé de rester concentrée sur mon plan, que lorsque je reste concentrée sur mon plan de A à Z, les choses se passent bien. »
Cette fois-ci, Beauchemin-Pinard travaille avec l’entraîneur de l’équipe nationale Antoine Valois-Fortier, médaillé de bronze aux Jeux olympiques de 2012 à Londres.
Beauchemin-Pinard, qui s’est entraînée avec Mehmedovic pendant six ans, a déclaré qu’elle avait essayé un système hybride d’entraînement avec Mehmedovic et de travail avec Valois-Fortier après l’annonce d’un changement d’entraîneur, mais ils ont trouvé cela trop compliqué.
Être coachée par un ancien coéquipier lui a donné une perspective différente.
« Changer d’entraîneur m’a fait du bien. Antoine a apporté un vent de fraîcheur à mon judo, a-t-elle confié. Il m’a obligé à voir le sport sous un angle différent. Maintenant, j’ai le meilleur des deux mondes en travaillant encore un peu avec Sasha à l’entraînement. »
Passer du statut d’amis et de coéquipiers à celui d’entraîneur et de « patron » ne s’est pas fait sans quelques ratés, mais Valois-Fortier croit que Judo Canada a bien géré la transition.
« Ce n’était pas trop compliqué, en grande partie parce que j’étais bien soutenu, autant par d’anciens entraîneurs que par Nicolas Gill (PDG et directeur de la haute performance) ou le reste de l’équipe, a déclaré Valois-Fortier. Parfois c’est plus compliqué, d’autres fois il y a un lien plus fort, plus naturel. Le fait d’avoir vécu ces moments en tant que coéquipier me permet de les comprendre, et le fait d’être leur coéquipier fait que je les connais bien. Je sais ce qu’ils pensent. »
« Mon rôle change, donc la dynamique doit changer aussi. Certaines discussions sont plus difficiles à avoir. Nous avons eu trois ans pour naviguer dans cette dynamique, et nous sommes maintenant dans une bonne position. (…) Cette relation nous a permis d’aller plus loin, plus vite. Le mérite en revient aux athlètes. »