De nombreuses personnes se sont récemment inquiétées d’une nouvelle directive linguistique émise par le gouvernement du Québec et de ses répercussions sur les services de santé pour la communauté anglophone.
Au milieu de la confusion entourant la nouvelle politique au sein de la population anglophone, trois ministres du Québec ont publié une lettre ouverte dans les médias vendredi pour tenter de répondre à ces inquiétudes.
Jean-François Roberge, ministre de la Langue française du Québec, s’est entretenu avec CTV News pour clarifier les nouvelles directives et répondre aux critiques des dernières semaines. Au cours de l’entrevue, il a confirmé qu’une rencontre devrait avoir lieu la semaine prochaine avec des groupes représentant la communauté anglophone.
Regardez la vidéo ci-dessus pour l’interview complète. Cet article a été édité pour des raisons de longueur et de clarté.
CTV : Je sais que vous et vos collègues ministres, Christian Dubé et Éric Girard, avez déjà écrit une lettre ouverte sur l’accès des anglophones aux services de santé et aux services sociaux dans d’autres langues que le français, pour dire essentiellement que rien n’a changé, malgré tout ce que nous avons vu et lu ces dernières semaines. Mais si vous dites que rien n’a changé, pourquoi avons-nous même besoin de cette directive ?
ROBERGE : Parce qu’avec la loi — la loi 96 —, on a donné des droits à la communauté anglophone. La règle est que, normalement, le gouvernement du Québec communique en français, mais avec la loi 96, et avec cette directive, la communauté anglophone a le droit de communiquer en anglais pour les questions administratives.
Il est important de préciser qu’ils ont — et continueront d’avoir — le droit d’obtenir des soins de santé et des services sociaux sans aucune question et sans avoir à présenter de documents.
CTV : Votre directive mentionne qu’une autre langue peut ne doit pas être utilisé à moins qu’une situation l’exige, comme une urgence. Mais, encore une fois, pourquoi mentionner cela si rien n’a changé ? Et si c’est un droit automatique, pourquoi ne pas simplement le dire doit être utilisé ?
ROBERGE : C’est le libellé de la loi sur la santé et les services sociaux (depuis des années). C’est la même chose. On n’a rien changé. C’est donc la loi depuis — je pense que ça fait des décennies — et les Québécois ont accès aux soins de santé dans les hôpitaux en anglais quand ils le veulent et ils n’ont pas à montrer de documents parce que ce n’est pas nouveau que ce libellé soit utilisé dans les directives administratives ou dans la loi.
CTV : Mais vous avez des définitions dans cette directive, comme celle qui définit une personne anglophone, ou personnes d’expression anglaise, comme une personne qui a été déclarée admissible à l’éducation en anglais au Québec.
Mais les directives qui existaient auparavant pour l’accès aux services de santé et aux services sociaux en anglais indiquaient clairement qu’une personne anglophone est une personne qui se sent plus à l’aise pour recevoir ses services en anglais. Alors, acceptez-vous toujours cela ? Et si oui, pourquoi demander ce document d’admissibilité ?
ROBERGE : Maintenant, on mélange deux choses dans cette question. On demande quelque chose à la direction de l’hôpital, comme si un Québécois voulait demander l’accès à l’information. Par exemple, il veut savoir combien d’ambulances sont allées à l’hôpital Santa Cabrini l’année dernière. Ce n’est pas une question de santé, mais c’est une question sur un hôpital. C’est de cela dont il est question dans la directive. Mais la directive ne concerne pas les soins de santé.
Si vous allez à l’hôpital ou dans une clinique, vous avez un bras cassé ou vous ne vous sentez pas bien, vous voulez voir un médecin, vous pouvez parler en anglais. Ils vous répondront en anglais. Ils ne vous demanderont aucun document. Ils ne vous demanderont pas si vous êtes membre de la communauté anglophone ou où vous êtes né.
CTV : Vous dites donc qu’il s’agit simplement d’une mesure comptable pour les personnes au sein des établissements de soins de santé, et non de quelque chose qui s’applique réellement aux services ?
ROBERGE : Exactement. Merci de l’avoir dit aussi clairement.
CTV : Il y a eu beaucoup de confusion à ce sujet depuis la publication des directives. Beaucoup de gens étaient très inquiets de la façon dont leurs besoins en matière de soins de santé seraient satisfaits à l’avenir, surtout s’ils sont fonctionnellement bilingues, mais ont du mal à communiquer en français en cas de crise ou de panique. N’auriez-vous pas pu mieux gérer cette situation en nous en parlant plus tôt?
ROBERGE : Je pense que c’est assez clair quand on lit bien la directive. Il est écrit clairement que pour les soins de santé et pour les services sociaux, rien ne change. Et il est écrit que l’article 15 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux continue de s’appliquer et rien ne change. Cela dit, je fais cette entrevue pour être vraiment sûr que tout le monde la comprend bien. Nous aurons une rencontre la semaine prochaine avec les membres des groupes communautaires anglophones et si nous devons clarifier la directive après cette rencontre, nous le ferons.
CTV : En ce qui concerne la communication entre les employés dans les centres de santé et de services sociaux, n’avez-vous pas peur que certaines de ces directives créent un sentiment d’aliénation entre les employés? Qu’ils ne se sentent pas à l’aise de simplement se parler rapidement dans une langue qui leur convient lorsqu’ils le souhaitent ou lorsqu’il y a un patient dans la chambre et qu’ils ne se font pas dénoncer, et qu’ils doivent ensuite faire affaire avec l’Office québécois de la langue française (OQLF)?
ROBERGE : Non. L’OLF ne dénoncera pas. Nous n’avons pas de micros ni de caméras…
CTV : Mais vous avez des collègues qui vont voir cela comme une incitation à dénoncer leurs collègues, et nous avons déjà un système de santé très assiégé dans cette province. Vous savez, nous avons affaire ici à la vie des gens. En fin de compte, la vie n’est-elle pas plus importante que la langue ?
ROBERGE : Oui, c’est vrai. Et les soins de santé ne sont pas négociables, et les droits de la communauté anglophone sont respectés et continueront de l’être. Nous n’espionnons pas les conversations personnelles entre professionnels dans nos hôpitaux. Je ne pense pas que quiconque pense que c’est le cas.
Encore une fois, je tiens à vous remercier de me donner l’occasion de clarifier cette question, de mettre les choses au clair, et pour que tous les Québécois comprennent la même histoire, la même ligne, et qu’il est temps de cesser la campagne de peur.