Lorsque John Herdman a pris la tête du programme national de soccer féminin canadien en 2011, celui-ci était en ruine.
L’équipe féminine avait terminé bonne dernière à la Coupe du monde cette année-là. Le Canada était en train de gâcher la jeunesse d’une des plus grandes joueuses du monde, Christine Sinclair.
Treize ans, trois médailles olympiques et beaucoup de bonne presse plus tard, M. Herdman – qui n’a pas entraîné l’équipe depuis des lustres – l’a maintenant remise en ruine.
Si, comme l’a affirmé l’équipe canadienne de soccer à la FIFA, le programme d’espionnage « a été lancé par une seule personne – John Herdman », alors c’est sa faute.
Il n’a pas fait voler de drones en France. Il n’a pas supervisé les personnes qui le faisaient. Il n’a pas écrit de courriels demandant comment rattraper les employés qui refusaient de participer à l’opération. Mais il aurait créé la culture dans laquelle tout cela pouvait se produire.
Le sens élémentaire de l’équité suggère que vous ne pouvez pas allumer un feu et partir ensuite pendant que la maison brûle, mais c’est ce qui se passe.
Après une décennie dans le secteur public canadien, M. Herdman s’est lancé dans la pratique privée du soccer avec Maple Leaf Sports and Entertainment.
Interrogé par des journalistes à Toronto sur le scandale avant que son nom ne soit mentionné, M. Herdman s’est montré évasif. Il a qualifié la nouvelle de « surprenante » et de « choquante ».
Il n’avait pas l’air choqué. Au contraire, il semblait légèrement amusé.
« Je suis convaincu que pendant mon mandat d’entraîneur-chef aux Jeux olympiques ou à la Coupe du monde, nous n’avons jamais été impliqués dans aucune de ces activités », a déclaré M. Herdman.
On avait l’impression que M. Herdman n’était pas surpris par ce qui s’était passé, mais que cela s’était passé de manière stupide. Aux Jeux olympiques ? Qui est-ce qui a fait preuve d’une telle insouciance ?
Mercredi, ses anciens patrons l’avaient coincé sous les roues du gros bus de la FIFA, et l’expansivité de M. Herdman avait disparu.
C’est maintenant MLSE qui parle en sa faveur, par le biais d’une déclaration toute prête : « Pour maintenir l’intégrité de l’examen indépendant de Canada Soccer, l’entraîneur-chef du Toronto FC, John Herdman, s’abstiendra de tout autre commentaire jusqu’à ce que l’examen soit terminé. »
J’aime cette phrase sur « l’intégrité » des enquêtes. C’est de rigueur et ça n’a aucun sens. Pourquoi ce processus dépendrait-il du secret absolu ? Ce n’est pas pour son bien, mais pour ton bien.
De plus, l’utilisation de ce mot permet de donner une impression de probité là où elle n’est peut-être pas de mise.
Jusqu’à présent, M. Herdman n’a pas montré beaucoup d’intérêt à défendre le programme qu’il a mis sur pied. Il n’a pas non plus beaucoup combattu en faveur de sa protégée, Bev Priestman.
Mme Priestman est une femme morte professionnelle. Canada Soccer n’a même pas pris la peine de faire appel de sa suspension d’un an. Qu’est-ce que cela vous dit ?
Les entraîneurs sont renvoyés pour bien moins que ça. Et même si on n’a pas besoin de sympathiser avec elle (elle semblait heureuse de laisser les autres se débrouiller pour sauver sa peau), on ressent une certaine empathie.
Mme Priestman nous a déjà rappelé la leçon du cardinal Richelieu : « N’écrivez jamais une lettre et ne la détruisez jamais. »
À moins que quelqu’un d’autre n’ait eu l’imbécillité de dévoiler la conspiration dans un e-mail, il sera facile de lui imputer la responsabilité de tout cela. Ce qui est facile ne veut pas dire que c’est juste.
Si les choses se sont déroulées comme le prétend Canada Soccer, ce n’était pas son idée. C’est son prédécesseur qui lui a appris à le faire. Après sept ans sous la direction de M. Herdman, l’ensemble du programme et tous ses membres se seraient acclimatés à ses idées.
Si la carrière de Mme Priestman est fonctionnellement terminée, pourquoi M. Herdman travaille-t-il toujours ?
De toute évidence, Canada Soccer n’a aucun pouvoir sur MLSE. Mais quel est l’objectif de la plus importante organisation sportive du pays dans cette affaire ?
Il y a un monde où l’on peut voir cette situation perdurer pendant des semaines et des mois, de façon encore plus désastreuse qu’ici à Paris.
Et si le Canada avait triché à Tokyo en 2021 ? C’est ce qu’a rapporté TSN. Et alors ? Comment pouvons-nous conserver cette médaille d’or ?
Et si l’équipe avait triché avant les Jeux de Rio 2016, où elle avait remporté le bronze ? Ou avant ceux de Londres 2012, où elle avait remporté la médaille qui avait rendu les Canadiens célèbres ?
Vous ne pouvez pas maintenir un état d’alerte élevé plus d’un court instant. Qui d’autre est devenu paresseux et a commencé à écrire des textes et des e-mails qu’il n’aurait pas dû ? Ils seront retrouvés.
Selon la balance des probabilités, il semble probable que M. Herdman soit l’auteur d’un programme qui pourrait devenir le plus grand embarras sportif de ce pays depuis, eh bien, le dernier.
La MLSE fait partie du pays, n’est-ce pas ? Elle agite son drapeau à chaque occasion. Elle ne cesse de répéter que les Raptors sont l’équipe du Canada. « Nous, le Nord », etc.
Si l’entraîneur des Maple Leafs avait allumé une mèche menaçant de faire exploser l’équipe canadienne de hockey masculin juste après les Jeux olympiques, MLSE n’aurait pas fait de déclarations soigneusement formulées. Il aurait plutôt dû l’attacher à une fusée au sommet du Scotiabank Arena et demander des matchs. Aucun homme ne vaut plus que l’image de MLSE en tant qu’institution canadienne.
Bien que le Toronto FC soit le plus petit de la portée de la MLSE, le même raisonnement devrait s’appliquer.
Une enquête devrait être ouverte. Jusqu’à ce qu’elle soit terminée – et pour la faire avancer – M. Herdman devrait soit nier catégoriquement avoir jamais espionné des opposants, soit être suspendu de ses fonctions jusqu’à ce qu’elle soit terminée.
MLSE – une entreprise qui gagne son argent au Canada grâce aux Canadiens – devrait s’en assurer.
Ni M. Herdman ni MLSE n’ont répondu à une demande de commentaire sur cette chronique.
On peut raisonnablement penser que ce scandale est de la petite bière. Tout le monde triche, alors pourquoi est-ce si grave quand nous le faisons ? Ou à quel point cela peut-il être grave ?
C’est bien beau de penser ainsi. Mais alors, oublions les grands discours qui se répètent tous les deux ans sur la gloire du sport et sur la façon dont les Jeux olympiques expriment nos valeurs nationales. Que ces mots ne sortent jamais de la bouche d’un autre politicien ou d’un dirigeant sportif.
Si tel est le cas, appelons le sport ce qu’il est : une distraction de la banalité de l’existence. Pas différent de la consommation excessive d’alcool ou des achats en ligne.
Si, d’un autre côté, vous voulez que le sport représente quelque chose de significatif, il incombe aux organisations comme MLSE de s’assurer que tous ceux qu’elles emploient en position d’autorité incarnent ce mot qu’elles aiment tant utiliser : l’intégrité.