Le chef de la police de Montréal, Fady Dagher, a lancé jeudi un appel aux parents de jeunes recrutés par des gangs criminels : si des policiers frappent à leur porte pour leur dire que leurs enfants vont avoir des ennuis, veuillez les écouter.
Dagher a déclaré que les gangs s’en prennent de plus en plus aux enfants dès l’âge de 12 ans.
«Nous pouvons les sauver, nous pouvons les empêcher de s’engager dans cette voie criminelle», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Montréal. «Mais il y a des parents qui ne nous croient pas, ils ne croient pas qu’ils ont un problème à la maison.»
Il a également un message à adresser aux commerçants victimes d’extorsion et aux jeunes souvent enrôlés pour incendier ou tirer sur des entreprises qui ne répondent pas aux demandes. Dagher a exhorté les propriétaires d’entreprises à contacter la police « dès le début et non à la fin ».
Cmdr. Francis Renaud, chef de l’unité du crime organisé de la police, a déclaré qu’entre 30 et 40 cas d’extorsion ont été signalés cet été à Montréal. Le point chaud est principalement le centre-ville de la ville, a-t-il déclaré.
L’extorsion n’est pas un phénomène nouveau, et la situation actuelle implique à la fois des acteurs anciens et de nouveaux qui tentent de s’imposer. Renaud a souligné que tous les types d’entreprises sont ciblés, y compris certaines ayant des liens évidents avec le crime organisé.
Ce qui a changé au fil des années, dit Renaud, c’est que la structure pyramidale qui a longtemps prévalu au sein du crime organisé montréalais pendant des décennies s’est effondrée au cours des 10 à 15 dernières années. Elle a cédé la place à une structure de type cellulaire moins hiérarchique et plus volatile.
La police de Montréal a procédé à une série d’arrestations de suspects de plus en plus jeunes pour activités liées aux gangs.
Mercredi, ils ont annoncé avoir arrêté la semaine dernière sept adolescents âgés de 14 à 17 ans qui appartiendraient à un gang basé dans l’arrondissement Saint-Léonard. Ils sont soupçonnés de nombreux crimes violents, notamment de vol qualifié, d’infractions liées aux armes à feu, d’incendies criminels et d’extorsion.
La police a également arrêté un jeune de 15 ans en lien avec une tentative d’incendie criminel le week-end, et cette semaine, trois personnes, dont un mineur, ont été arrêtées en lien avec une fusillade dans un immeuble du Vieux-Montréal. Personne n’a été blessé dans la fusillade. L’immeuble visé appartient à l’homme d’affaires montréalais Émile Benamor, qui possède également deux immeubles du Vieux-Montréal qui ont été touchés par des incendies suspects, l’un la semaine dernière et l’autre en mars 2023. Au total, neuf personnes sont mortes dans les deux incendies.
Il y a aussi eu le cas d’un Montréalais de 14 ans décédé dans la région de la Beauce après avoir été envoyé attaquer un bunker appartenant prétendument à un gang de marionnettes des Hells Angels à Frampton, au Québec.
«Je pense que c’est horrible. Je pense que c’est dégoûtant de voir des adultes utiliser de jeunes enfants pour faire des choses sales qu’ils ne peuvent pas faire parce qu’ils ne veulent pas prendre de risques», a déclaré Dagher.
Par ailleurs, Dagher s’est dit confiant qu’il y aurait une arrestation suite à l’incendie du Vieux-Montréal vendredi dernier qui a coûté la vie à une mère et sa fille de France. Léonor Geraudie, 43 ans, et Vérane Reynaud Geraudie, sept ans, ont été identifiées par les autorités. Mais la police a refusé de dire si l’affaire avait un lien avec la série d’attaques liées à l’extorsion.
À Québec, le Parti Québécois réclame des audiences législatives pour recueillir des témoignages de parents, de policiers et de groupes communautaires sur le nombre croissant de jeunes utilisés comme « chair à canon » par le crime organisé.
Lors d’un échange à l’Assemblée nationale, le chef du Parti québécois Paul St-Pierre Plamondon a évoqué les craintes à Montréal face aux violents gangs de rue enrôlant des jeunes pour commettre des vols de voitures, des fraudes et des meurtres. En réponse, le premier ministre du Québec, François Legault, a qualifié le recrutement d’adolescents dans le crime organisé d’épouvantable et d’inacceptable.
Lors d’une conférence de presse précédente, St-Pierre Plamondon, qui représente une circonscription de Montréal, a présenté cette question comme un problème de société grave. «Nos jeunes, particulièrement dans la région de Montréal, servent littéralement de chair à canon dans une guerre entre groupes criminels», a déclaré St-Pierre Plamondon. «La question se pose : avons-nous perdu le contrôle des gangs de rue ?»