Le président général de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Martin Caron, remet en question une étude affirmant que les fermes laitières canadiennes auraient jeté une quantité importante de lait au cours de la dernière décennie. Il conteste que la gestion de l’offre puisse être une des causes de ce gaspillage.
«Le lait que nous perdons est minime», a déclaré Caron en entrevue avec La Presse canadienne, à la suite d’un discours devant le Conseil des relations internationales de Montréal, jeudi après-midi.
« Si je compare ça à la moyenne mondiale, qui est de 20 pour cent de pertes, on est loin de ça ici au Québec. C’est très peu ici parce qu’on produit plus de 3 milliards de litres de lait et c’est quelques millions ici et là par année qui nous risquons de (perdre)», a-t-il déclaré, sans fournir plus de détails.
Plusieurs médias ont rapporté ces derniers jours les résultats d’une étude menée par trois chercheurs universitaires: Sylvain Charlebois, de l’Université Dalhousie à Halifax, Thomas Elliot, de l’Université d’Aalborg au Danemark, et Benjamin Goldstein, de l’Université du Michigan.
Selon leurs estimations, 6,8 milliards de litres de lait, soit environ 7 pour cent de la production totale du pays, ont été jetés entre 2012 et 2021. L’étude devrait être publiée dans la revue «Ecological Economics» en janvier.
Les auteurs soulignent la forme actuelle du système de gestion de l’offre comme une conséquence possible de ce gaspillage. Caron regrette que ce mécanisme soit pointé du doigt comme « contraire au développement de la sécurité alimentaire ».
«C’est loin d’être le cas», dit-il. «Si nous avons plusieurs fermes qui sont maintenues ici au Québec, c’est grâce à la gestion de l’offre. Il n’y a aucun producteur de lait qui veuille jeter ses surplus de lait.»
Les pertes peuvent être causées par divers facteurs, comme des tempêtes, des fermetures d’usines ou des problèmes de transport, explique Caron.
«Il n’y a aucun producteur qui profite du fait de jeter du lait et de penser à augmenter le prix. Cela nous pénalise lorsque nous jetons du lait car nous en supportons le coût de A à Z», a déclaré le leader de l’UPA.
Revoir le système de quotas
L’étude n’appelle pas à la fin du système de quotas, mais plutôt à sa révision. La gestion de l’offre fait partie de la solution, affirme Charlebois, directeur principal du laboratoire d’analyse agroalimentaire de l’Université Dalhousie.
«L’esprit de l’étude est de reconnaître que la gestion de l’offre est un outil fondamental pour éliminer tout surplus», a-t-il déclaré en entrevue en réponse aux commentaires de l’UPA.
«Les surplus sont tout à fait normaux. Il ne faut pas s’attendre à ce que les vaches soient des robots. Ce qui est problématique dans le cas du Canada, c’est qu’il n’y a pas de stratégie pour gérer les surplus», explique Charlebois.
Les auteurs de la recherche recommandent de réformer le système pour pénaliser la surproduction plutôt que la sous-production.
La Commission canadienne du lait pourrait également être mandatée pour gérer les surplus comme elle le fait pour le beurre en ayant une réserve stratégique, dit Charlebois.
Le professeur et ses collègues appellent à une plus grande responsabilité face aux surplus et à une prise de conscience de l’ampleur du gaspillage de lait. Les auteurs plaident également pour plus de transparence sur le volume de la surproduction.
«On sent que ça va bouger du côté du Sénat»
Caron est également optimiste quant à l’adoption prochaine du projet de loi du Bloc québécois visant à protéger la gestion de l’offre dans les négociations commerciales.
Le projet de loi C-282, qui a été renvoyé de la Chambre des communes au Sénat il y a près d’un an et demi, est toujours étudié en comité sénatorial.
«On sent que ça va bouger du côté du Sénat», a déclaré Caron, qui a rencontré les sénateurs il y a deux semaines.
Sachant qu’une majorité de députés ont déjà voté en faveur du projet de loi, «ça devrait être quelque chose de facile et de très rapide» du côté du Sénat, estime-t-il.
Toutefois, l’UPA ne veut pas se mêler de l’ultimatum lancé par le Bloc québécois pour que sa loi soit adoptée d’ici le 29 octobre. C’est l’une des deux conditions du Bloc québécois pour éviter que le gouvernement Trudeau ne soit renversé.
«L’important est que les gens du Sénat adoptent le projet de loi le plus rapidement possible» et avant le déclenchement d’élections, a déclaré M. Caron.
Ce rapport a été publié pour la première fois en français par La Presse Canadienne le 19 octobre 2024.