À moins que les politiques ou les technologies ne changent, le coût de possession des véhicules électriques (VE) doit diminuer de 31 % si le Canada veut atteindre son objectif de ventes de 60 % de véhicules électriques d’ici 2030, selon un nouveau rapport publié jeudi par le directeur parlementaire du budget (DPB) Yves Giroux.
« En l’absence d’un mandat gouvernemental et d’une réglementation obligeant les constructeurs à vendre au moins 60 % de véhicules à zéro émission, c’est l’écart de prix dont on aurait besoin pour atteindre ces objectifs », a déclaré M. Giroux dans une interview accordée à la chaîne CTV News jeudi.
En décembre dernier, le gouvernement fédéral a dévoilé sa norme de disponibilité des véhicules électriques, qui définit les objectifs de vente de véhicules zéro émission pour les constructeurs automobiles. La norme exige que tous les nouveaux véhicules légers vendus au Canada soient électriques ou hybrides rechargeables d’ici 2035. Elle prévoit également des objectifs intermédiaires selon lesquels au moins 20 % des ventes seront des véhicules électriques d’ici 2026 et 60 % d’ici 2030. Les constructeurs automobiles qui n’atteignent pas ces objectifs devront payer pour l’infrastructure de recharge.
Les statistiques les plus récentes montrent que les véhicules électriques ont représenté près de 11 % des immatriculations de véhicules neufs en 2023, mais on craint que la demande des automobilistes ne ralentisse. Les prévisions de croissance des constructeurs automobiles ont plafonné et les inquiétudes concernant les infrastructures de recharge persistent. Le prix des véhicules électriques a également mis ces voitures hors de portée de nombreux consommateurs. Selon le Canadian Black Book, le coût moyen d’un véhicule électrique était de 73 000 $ en 2023.
Le DPB reconnaît toutefois que les consommateurs pourraient économiser des milliers de dollars à long terme en optant pour un véhicule électrique. Selon le rapport, le coût de possession, qui comprend le prix d’une voiture et les frais d’exploitation, d’un véhicule électrique sur huit ans s’élèverait à 62 920 $ si la voiture était achetée en 2022, tandis qu’il s’élèverait à 71 680 $ pour un véhicule à essence.
« Cela signifie que le prix relatif des véhicules électriques doit baisser. Cela peut se faire en réduisant le coût des véhicules électriques, mais cela peut aussi se faire en augmentant le coût de toutes les autres alternatives, c’est-à-dire les voitures et les camions à essence et au diesel », a déclaré Giroux.
Le gouvernement va-t-il prolonger les incitations à la consommation pour les véhicules électriques ?
En 2019, le gouvernement fédéral a commencé à offrir une aide financière pouvant atteindre 5 000 $ aux consommateurs admissibles pour l’achat ou la location de certaines marques et modèles de véhicules électriques. Le programme devait expirer au début de 2025, mais le budget des libéraux du printemps dernier a prolongé le programme en y ajoutant 607 millions de dollars sur deux ans.
La vice-première ministre Chrystia Freeland a été interrogée jeudi pour savoir si le gouvernement fédéral prolongerait le programme, mais elle n’a pas voulu le dire.
« En ce qui concerne les véhicules électriques, notre gouvernement a fait des investissements générationnels historiques dans le secteur des véhicules électriques, et ces investissements créent de bons emplois pour les travailleurs canadiens. Ce sont également des investissements dans la lutte contre le changement climatique », a déclaré Mme Freeland aux journalistes.
Certaines provinces offrent leurs propres incitatifs pour les véhicules électriques, mais le rapport du DPB indique que bon nombre de ces incitatifs disparaîtront d’ici la fin de 2026. La Colombie-Britannique limite les modèles de véhicules qui seront admissibles aux rabais, tandis que le Québec réduit les rabais de 60 % l’année prochaine et les éliminera complètement d’ici 2027.
« Nous ne pourrons tout simplement pas atteindre les objectifs de vente très ambitieux que le gouvernement a fixés s’il n’y a pas de solides incitatifs à l’achat offerts aux Canadiens », a déclaré le président de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules, Brian Kingston, dans une entrevue avec CTV News.
Sans augmenter les incitations aux consommateurs ou les subventions aux fabricants, Kingston affirme que les objectifs du gouvernement fédéral en matière de véhicules électriques doivent être revus.
« Je pense qu’il est temps que le gouvernement fédéral se penche sérieusement sur ces questions », a déclaré M. Kingston. « Il faut observer le marché actuel des véhicules électriques au Canada, nous avons constaté un ralentissement des ventes cette année, et s’assurer que ces objectifs sont réellement ajustés aux conditions réelles du marché auxquelles les Canadiens sont confrontés lorsqu’ils achètent un véhicule. »
Le rapport du DPB indique également que la poursuite des subventions ou des ajustements de prix par les constructeurs automobiles pourrait entraîner des baisses de prix pour les véhicules électriques.
Inquiétudes concernant les infrastructures de recharge
Le nouveau rapport du DPB a également évalué les bornes de recharge publiques. Bien qu’il indique que l’objectif de vente de véhicules électriques du gouvernement fédéral augmenterait l’offre de bornes de recharge au Canada de près de 39 000 unités, il ne répond pas à la demande.
« Nous estimons que d’ici 2030, l’offre de bornes de recharge publiques sur le marché sera légèrement inférieure à ce qui est requis selon une analyse des besoins commandée par Ressources naturelles Canada », indique le rapport.
Selon le gouvernement fédéral, il existe actuellement plus de 25 000 bornes de recharge publiques pour véhicules électriques au Canada. Mais il existe un fossé énorme entre ce qui est disponible et ce qui est nécessaire. Kingston souligne que les propres recherches du gouvernement montrent que 40 000 nouvelles bornes doivent être installées chaque année au cours des quinze prochaines années afin d’atteindre les nouveaux objectifs.
Si les gouvernements doivent réduire les rabais, Kingston estime qu’ils devraient contribuer à accroître le nombre de bornes de recharge publiques afin de stimuler à la fois la croissance de l’industrie et les achats des consommateurs.
« Il est impossible de convaincre davantage de personnes de conduire un véhicule électrique si l’on ne dispose pas des infrastructures nécessaires, et il est difficile d’investir dans les infrastructures si l’on n’a pas suffisamment de véhicules sur la route pour que cela soit rentable. C’est l’endroit idéal pour que le gouvernement joue un rôle », a déclaré M. Kingston.