Dans l’ordre des « choses à ne jamais faire » dans le sport, espionner un adversaire est assez bas dans la liste. C’est aussi grave que courber la lame de son bâton et faire trébucher le gardien. C’est la faute des fonceurs.
Le sport professionnel nous a rendus insensibles à la tricherie au niveau du comptage des cartes. Que voulez-vous d’autre des Patriots de la Nouvelle-Angleterre ? Perdre avec dignité ? Il est difficile de payer ces Ferrari quand on est renvoyé pour non-performance.
Alors, quand vous vous réveillez et que le grand sujet de discussion des Jeux olympiques est le Canada, capitale des drones de l’Occident en temps de paix, votre premier réflexe est de hausser les épaules.
Ce qui est en cause, ce n’est pas que le Canada a commis une erreur. Nous le savons puisque le Comité olympique canadien l’a admis.
Selon un communiqué diffusé aux premières heures de mercredi, un « membre non accrédité de l’équipe canadienne de soutien au soccer » a été surpris en train de piloter un drone au-dessus de l’équipe féminine de Nouvelle-Zélande pendant un entraînement. C’est clairement interdit. Le Canada affrontera la Nouvelle-Zélande lors de son match d’ouverture des Jeux de Paris 2024 jeudi après-midi.
J’essaie d’imaginer le scénario risque-récompense ici. Du côté des récompenses, vous pourriez avoir un aperçu de la façon dont la Nouvelle-Zélande s’aligne sur les coups de pied de coin dans sa propre zone. Du côté des risques, vous pourriez mettre les avions de chasse français en mode décollage pendant l’événement sportif le plus surveillé de la planète.
L’équipe olympique canadienne est choquée et déçue. Non, vraiment. C’est ce qu’ils ont dit dans leur communiqué : « choquée et déçue ». J’imagine tous les dirigeants du COC, les mains plaquées sur leurs joues, pendant qu’on leur annonçait la nouvelle.
Au cours de la deuxième semaine des Jeux olympiques, il s’agit d’une petite histoire insolite que la plupart des médias non canadiens et non néo-zélandais rapportent en deux phrases, s’ils la rapportent.
Deux jours avant le début officiel des Jeux olympiques, alors que tous les journalistes sportifs du monde sont encore frais prêts à se battre et cherchent quelqu’un pour leur mettre une prise de tête, c’est une histoire humiliante qui va faire beaucoup parler d’elle.
C’est déjà assez triste que ce soit le sport préféré du monde et que ce soient les champions en titre qui transgressent. Le plus délicieux dans tout ça, c’est que c’est le Canada.
Le même Canada qui s’est donné pour mission, lors des récents Jeux olympiques, de prononcer des sermons avant et après les Jeux sur la valeur du fair-play et sur la manière d’être correctement olympique.
La Russie a été surprise en flagrant délit de tricherie ? Cela ne fait plus aucun doute. Ils ont triché, ont menti à ce sujet, ont jeté les ordinateurs qui prouvaient qu’ils avaient triché et ont continué à tricher.
Eh bien, félicitations au Canada. Vous venez d’offrir à la Russie et à tous les autres un retour qui leur permettra de remporter les Jeux.
Avez-vous des regrets concernant la façon dont vous vous êtes dopé/avez dissimulé le dopage/vous dopez en ce moment même ?
« Peut-être, mais qu’en est-il du Canada ? »
Quand vous êtes la Russie, personne ne s’attend à ce que vous soyez honnête. C’est votre mode opératoire. Vous êtes l’antagoniste.
Pas le Canada. Le Canada devra expliquer ce qu’il a fait. Il devra se flageller en public. À un moment donné, quelqu’un dira des mots comme « ce n’est pas nous », même si c’est le cas. Parce que c’est nous qui l’avons fait.
Ensuite, il y a les complots à suivre. Qui savait quoi, quand, comment, etc. ?
Il est difficile de croire qu’il s’agit de l’action d’un élément rebelle et « non accrédité » (belle attention, celle-là) de l’équipe.
Si c’est une personne qui agit seule, comment est-elle censée partager ce qu’elle a appris ? « J’ai consulté une voyante du football et elle m’a dit que la Nouvelle-Zélande prévoyait de former un 4-3-3. Ne me demandez pas comment elle le sait. Mais je vous garantis à 100 % qu’elle le sait. »
Le Canada aime toutes ses équipes, mais l’équipe senior féminine de soccer a été la favorite nationale. Elle a été charmante, ravissante et – le plus important pour une héroïne olympique – a surpris le pays au cours des trois derniers Jeux d’été.
Cette bonne volonté est aujourd’hui en danger. Pas pour le moment. Ce n’est pas comme ça que fonctionne un scandale de tricherie. Les gens ne se mettent en colère qu’après une défaite. Car c’est une chose de faire du sport de manière incorrecte, et c’en est une autre de faire une erreur dans la partie qui ne va pas. Cela fait passer tout le monde pour un idiot.
Si l’équipe de soccer féminin réussit bien ici, ses adversaires seront aigris et leurs exploits seront ternis. Mais le Canada en sera secrètement satisfait.
Donc, ce n’est pas grave. Il suffit de gagner maintenant, sinon…
Quelle que soit la façon dont on le présente, le Canada trébuche sur son chemin vers la scène des plus grands Jeux depuis une décennie.
Le fait que ce but contre son camp ait un enjeu si faible et soit si toléré dans un environnement professionnel est ce qui le rend si embarrassant ici.
Il n’est pas nécessaire de gagner aux Jeux olympiques pour réussir. Ne nous sommes-nous pas répété cette idée depuis des décennies ? Que nous représentons bien plus que le nombre de médailles ?
Même après l’émission À nous le podium, nous aimons toujours nos perdants courageux et nos grandes personnalités. C’est l’une des choses qui nous différencie très consciemment de l’Amérique.
Il suffit de nous offrir quelques instants de joie olympique et de montrer nos qualités nationales sous leur meilleur jour.
Et voilà que le Canada, médaillé d’or en titre, se bat pour obtenir un avantage insignifiant sur l’équipe classée 28e au monde. C’est mal, mais pire encore, c’est ingénieux. C’est une ambition tellement basse. Comme ma mère nous le disait, ne volez pas. Mais si vous le faites, assurez-vous que ce soit pour un million de dollars.
L’une des choses injustes des Jeux olympiques est que les premières impressions sont les plus marquantes. On se souvient de la première médaille d’or, et peut-être de la deuxième. Mais à moins qu’il ne s’agisse d’une histoire folle, on ne se rappelle probablement pas qui a remporté la huitième.
Cette règle s’applique aussi bien de manière négative que positive. Si vous devez faire une erreur, faites-le à la fin. L’intrigue de Benny Hill n’est donc pas seulement mal conçue. Elle est mal planifiée et elle n’est pas terminée.
Les escroqueries d’amateur ne seront pas ce qui définira l’histoire du Canada à Paris 2024. Mais selon la façon dont la situation sera gérée à partir de maintenant, ce pourrait être l’histoire dont les gens se souviendront.