Onze enseignants de l’école primaire Bedford ont été suspendus à la demande du directeur général du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), qui en a fait l’annonce par communiqué samedi soir.
Isabelle Gélinas a demandé à la direction de l’école de suspendre immédiatement les enseignants impliqués, une décision qualifiée de « sans précédent » par l’organisme public.
Gélinas a pris cette décision après avoir appris, jeudi soir, les noms des enseignants accusés par un rapport d’enquête ministériel de créer un environnement toxique à l’école, soulevant des inquiétudes quant à « la sécurité physique et psychologique des élèves ».
Le CSSDM a précisé que les suspensions resteront en vigueur « pendant toute la durée des travaux d’enquête des commissions nommées par le ministre de l’Éducation ».
Les commissions doivent déterminer si les 11 enseignants « ont commis une faute grave ou ont agi de manière déshonorante ou indigne dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignant », précise également le communiqué.
Les services éducatifs de l’école élémentaire Bedford seront réorganisés à partir de lundi, avec un soutien déjà prévu pour les élèves et des enseignants suppléants affectés.
Le CSSDM a déclaré qu’il travaillait « à restaurer un climat sain et sécuritaire à l’école de Bedford », notant que trois autres écoles font l’objet d’enquêtes ministérielles à la suite de l’enquête sur l’école élémentaire de Bedford.
Le CSSDM a indiqué qu’aucun autre commentaire ne sera fait sur les enquêtes en cours du ministère.
Un rapport d’enquête dévastateur
Selon le rapport du ministère de l’Éducation, les enquêteurs ont découvert qu’une « clique dominante » d’enseignants avait instauré un climat de peur et d’intimidation, imposant ainsi un règne autocratique de terreur à l’école.
Les enfants ont été soumis à des violences physiques et psychologiques, notamment à des cris et à des mesures humiliantes, comme être envoyés debout « contre le mur » ou dans le couloir pendant de longues périodes.
«Pour certains enseignants de l’école de Bedford, les difficultés d’apprentissage n’existent pas», indique le rapport.
« Pour eux, les étudiants en difficulté académique sont considérés comme paresseux, gâtés ou peu disposés à faire les efforts nécessaires. » Le rapport note également que certains enseignants ont nié l’existence de troubles du spectre autistique (TSA), qualifiant les enfants atteints de TSA d’« extraterrestres » et de « causes perdues ».
Les membres du groupe dominant auraient interdit aux professionnels de l’éducation, tels que les techniciens pédagogiques spécialisés et les orthophonistes, d’accéder à leurs salles de classe. Ils verrouillent même les portes et baissent les stores pour empêcher la visibilité dans les salles de classe.
Le rapport précise également que « certains enseignants ont refusé d’élaborer des plans d’intervention pour certains de leurs élèves, affirmant qu’il n’y avait aucun problème en classe (…) La preuve démontre que plusieurs élèves n’ont pas reçu les services auxquels ils avaient droit. »
L’influence de ce groupe aurait été si forte que de nombreux autres enseignants opposés à leurs méthodes ont quitté l’école. Certains des professeurs qui sont partis ont été victimes de boycotts, menés devant les étudiants. Le groupe s’est également immiscé dans des questions administratives qui dépassaient ses responsabilités.
L’issue des enquêtes pourrait entraîner le maintien conditionnel, la suspension ou la révocation pure et simple des licences ou certificats d’enseignement des enseignants concernés.
Vendredi dernier, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a annoncé que deux conseillers avaient été envoyés à l’école de Bedford pour élaborer un plan visant à « rétablir un climat sain et sécuritaire, assurer la compétence des enseignants et proposer des solutions au problème de l’ingérence des enseignants dans la gestion scolaire ». Le plan d’action doit être soumis avant le 30 novembre.
«Il est difficile de croire qu’en 2024, dans nos écoles publiques, des situations comme celle-là puissent perdurer aussi longtemps», a déclaré mardi la présidente de la Fédération autonome de l’enseignement, Mélanie Hubert, en entrevue à La Presse canadienne.
De son côté, Catherine Beauvais-St-Pierre, présidente de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal, qui représente les enseignants des quatre écoles faisant l’objet de l’enquête, a déclaré que le syndicat n’était pas au courant de tous les faits contenus dans le rapport. Quant à savoir si le syndicat défendrait ses membres qui pourraient faire l’objet de mesures disciplinaires, Beauvais-St-Pierre a déclaré : « Nous les représenterons. Je pense que cette nuance est importante.
«Nous avons le devoir, la responsabilité, voire le cadre juridique, qui nous oblige à représenter chacun de nos membres», a-t-elle ajouté. « Cependant, « défendre » est un autre mot. Nous n’allons pas défendre l’indéfendable.
– Avec les dossiers de Pierre Saint-Arnaud et Lia Lévesque