Alors que la vieille menace du séparatisme québécois fait son apparition avec le Parti québécois en hausse dans les sondages et son chef promettant un référendum sur la souveraineté du Québec s’il est élu, des commentateurs réfléchis s’inquiètent ces derniers temps de la possibilité d’un troisième référendum.
J’ai une bonne nouvelle pour eux : cela n’arrivera pas.
Cela ne veut pas dire que le séparatisme est mort. Ce n’est pas le cas. Ce qu’il convient de noter, cependant, c’est que ce taux reste bloqué dans la fourchette de 33 %, là où il se situe depuis des décennies.
Oui, le deuxième référendum, celui de 1995, a été assez épineux en raison de l’échec de Meech et de la volonté des Québécois, même modérés, de manifester leur mécontentement.
Mais combien de Québécois sont prêts à s’en débarrasser et à renoncer à leur passeport canadien ? Il en reste encore environ un tiers et n’augmente pas.
Ce qui grandit, c’est la nouvelle génération de jeunes Québécois ouverts, avisés, sûrs d’eux et à l’écoute du monde. Ceux que j’enseigne à l’université depuis que j’ai quitté la politique.
Ils aiment le Québec, chérissent la langue française et font partie d’une culture florissante et unique. Mais ils ne sont pas près de devenir des lemmings sautant dans le vide pour plaire à une vieille génération d’irréductibles et grincheux.
Une foule à la Fête nationale le 23 juin 2022 à Québec (LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot)
Ils apprécient la place du Canada dans le monde. Ils comprennent également que sur une planète en proie à des bouleversements géopolitiques et climatiques, la dernière chose dont eux et leurs futures familles ont besoin est d’une incertitude locale.
Nous l’avons bien.
Le Canada tout entier, y compris le Québec, est une démocratie paisible et prospère. Nous sommes parmi les personnes les plus chanceuses de la planète.
Nous l’oublions parfois, soit lorsque les politiciens disent que le Canada est brisé, soit lorsque nous prenons notre chance pour acquise.
Nous avons mis cette chance sur la table lors de deux référendums qui ont été source de division et de souffrance. Ceux d’entre nous qui ont travaillé dur pour sauver le pays pendant ces moments difficiles travailleront tout aussi dur pour s’assurer que cela ne se reproduise plus.
J’étais là lors des deux référendums. D’abord comme avocat au ministère de la Justice du Québec lors du référendum de 1980. Ils avaient renoncé aux règles habituelles interdisant aux fonctionnaires de s’impliquer dans la politique active. J’ai travaillé fort comme bénévole à Québec. C’était ma première véritable expérience politique et c’était déchirant.
Ce fut une bataille acharnée, mais grâce à des politiciens passionnés comme Claude Ryan du côté provincial et Pierre Trudeau du côté fédéral, le camp du « non » a remporté une victoire éclatante.
Le référendum de 1995 a été une autre histoire. J’étais député à l’Assemblée nationale du Québec à l’époque. C’était brutal.
Je me déplaçais constamment, avec un rôle particulier au nord de Montréal, tant dans ma circonscription de Laval que dans les Laurentides.
Ce qui était remarquable, c’était l’absence totale de stratégie cohérente de la part du gouvernement fédéral sous Jean Chrétien. J’admire beaucoup Chrétien. Mais dans cette période cruciale de notre histoire, il semblait inquiet et figé, incapable d’agir de manière convaincante, et cela a failli nous coûter le pays.
Les libéraux provinciaux, dont je faisais partie, ont fait de leur mieux. Le chef Daniel Johnson était un militant infatigable et engagé. Mais le seul politicien fédéral à jouer un rôle notable était Jean Charest, qui retirait son passeport canadien pour rappeler aux gens ce qui était en jeu. Le camp du « non » a remporté une victoire serrée.
Le chef libéral du Québec, Jean Charest, au centre, est applaudi par les membres de son caucus après avoir désapprouvé un projet de loi déposé par le gouvernement péquiste pour contre-attaquer le projet de loi référendaire d’Ottawa le 15 décembre 1999, à l’Assemblée législative du Québec. Applaudissant les membres, de la gauche, Monique Gagnon-Tremblay, Jean-Marc Fournier et Thomas Mulcair (PHOTO CP / Jacques Boissinot)
Ce cri de victoire était également effrayant. Comment avions-nous été si proches ? Une solution de fortune, la soi-disant Loi sur la clarté, était un cas classique consistant à fermer la porte de la grange après que les chevaux se soient enfuis, mais elle a aidé Chrétien et les libéraux à redorer leur crédibilité fédéraliste dans le reste du Canada, et le pays est passé à autre chose. .
Que font les dirigeants fédéraux actuels, le cas échéant, pour renforcer le soutien des jeunes Québécois ? Pas beaucoup.
Justin Trudeau et le séparatisme québécois
Il existe une croyance largement répandue selon laquelle les libéraux fédéraux ont une emprise sur la question de l’unité canadienne. Au cours de mes années en politique, j’ai appris que de nombreux Canadiens considèrent Justin Trudeau comme le dernier chef libéral à être un rempart fédéraliste contre le séparatisme.
Mais quel est son palmarès ?
Je ne connais aucun effort qu’il ait fait lors du référendum de 1995 pour aider à maintenir l’unité du pays. C’est vrai, il n’était qu’un enfant lors du premier référendum de 1980.
Mais en 1995 – alors qu’il avait 24 ans – ses incontestables compétences en communication auraient contribué positivement à ce qui fut un résultat très serré. J’ai interrogé des amis et des collègues qui ont combattu dans cette bataille pour le Canada et aucun ne se souvient que Trudeau soit venu aider pour quoi que ce soit.
Il parle d’un bon match aujourd’hui, mais lorsque les jeux étaient joués et que l’avenir du Canada était sur la table, il était absent.
L’une des caractéristiques de Justin Trudeau est de parler de la Charte des droits que son père a introduite. Mais lorsque le Québec a utilisé la clause nonobstant pour supprimer les garanties constitutionnelles d’égalité devant les tribunaux de la communauté anglophone du Québec, il a cligné des yeux.
Non seulement il n’a pas agi, mais il a inséré le projet de loi 96 du Québec (et sa clause dérogatoire) dans la Loi sur les langues officielles fédérale, incorporant par renvoi la loi même qui supprimait ces droits. Le premier ministre François Legault s’en vante constamment.
C’est pourquoi il était si amusant de voir l’ancien chef de cabinet de Jean Chrétien, Eddie Goldenberg, trouver une nouvelle mission pour Trudeau, celle de Capitaine Canada (une fois qu’il aurait pu être persuadé de finalement démissionner de son poste de Premier ministre).
Cela vaut la peine de citer M. Goldenberg :
« Alors que les gens réfléchissent à ses réalisations, il jouirait d’une position dans l’opinion publique qui ferait de lui une force formidable pour expliquer aux Québécois les avantages de faire partie du Canada. Un Justin Trudeau invaincu pourrait très bien faire la différence entre sauver le Canada et voir la rupture de celui-ci est une raison très puissante pour que M. Trudeau prenne sa retraite maintenant avant qu’il ne soit trop tard.
Désolé, mais ceux d’entre nous qui ont combattu dans les batailles pour l’unité canadienne ont un peu de difficulté à comprendre cela.
Sous-jacente à une grande partie des récents discours sur l’unité canadienne, il y a le sentiment qu’il y a là une opportunité politique. Le chef conservateur Pierre Poilievre, l’usurpateur, ne pouvait pas en savoir autant sur la préservation de l’unité du pays que le parti des Trudeau.
Cela pourrait être un problème secondaire lors de la prochaine campagne.
Tom Mulcair était le chef du Nouveau Parti démocratique fédéral du Canada entre 2012 et 2017