Élections Canada propose des changements possibles pour protéger le processus de nomination politique de l’ingérence étrangère, notamment en interdisant aux non-citoyens de participer au choix des candidats, en exigeant des partis qu’ils publient les règles du concours et en interdisant explicitement des pratiques comme le vote plus d’une fois.
L’agence électorale fédérale décrit les mesures proposées dans un guide de discussion destiné à aider le directeur général des élections, Stéphane Perrault, à rédiger les recommandations finales qui seront soumises plus tard cette année à une commission d’enquête sur l’ingérence étrangère.
« Nous reconnaissons que certains changements peuvent créer un fardeau pour les entités politiques ou affecter les politiques internes », indique le guide de discussion.
« Nous croyons que le gain est important : des élections à l’investiture qui suscitent la confiance des électeurs et moins de possibilités d’irrégularités dans les élections qui amènent les Canadiens à remettre en question la légitimité des députés élus. »
La Presse Canadienne a eu recours à la Loi sur l’accès à l’information pour obtenir le guide et une note d’information connexe datée du 30 mai et adressée à Perrault.
Le guide a été préparé en vue d’une réunion prévue en juin du Comité consultatif des partis politiques, un forum permettant aux partis enregistrés de rencontrer le directeur général des élections pour discuter de la conduite des élections, de l’administration de la Loi électorale du Canada et des questions liées au financement politique.
Il note que lors de l’assemblée générale annuelle du comité en septembre dernier, il y avait « peu d’appétit pour des changements » dans la réglementation des concours de nomination.
Toutefois, début mai, un rapport provisoire de l’enquête fédérale sur l’ingérence étrangère, dirigée par la juge Marie-Josée Hogue, a signalé que les courses à l’investiture étaient une porte d’entrée possible vers l’ingérence.
Dans ce contexte, le directeur général des élections « a l’obligation d’envisager des moyens de renforcer la transparence et la sécurité des courses à l’investiture », indique le guide.
Un rapport publié au début du mois dernier par le Comité parlementaire de la sécurité nationale et du renseignement a exprimé des inquiétudes quant à la facilité avec laquelle les acteurs étrangers peuvent profiter des failles et des vulnérabilités pour soutenir les candidats préférés.
« Il s’agit d’une lacune critique, car un certain nombre de circonscriptions au Canada sont considérées comme des « sièges sûrs » pour un parti ou un autre, de sorte qu’une nomination réussie peut équivaloir à l’élection d’un candidat », indique le rapport.
La note d’information adressée à Perrault souligne que la Loi électorale du Canada prévoit actuellement une « réglementation limitée » des courses à l’investiture fédérale et des candidats.
Par exemple, seuls les candidats qui acceptent des contributions de 1 000 $ ou engagent des dépenses de 1 000 $ doivent produire un rapport financier. Élections Canada n’a aucun moyen de vérifier si les campagnes sont en deçà du seuil.
En outre, la loi ne prévoit pas d’obligations spécifiques concernant la candidature, le vote, le dépouillement ou la communication des résultats, autres que l’identité du candidat élu.
Les « idées préliminaires à discuter » se répartissent en deux catégories : renforcer le processus de vote des nominations et améliorer la transparence du financement politique, indique le guide de discussion.
Un changement clé consisterait à exiger que les électeurs qui participent à une course à l’investiture soient citoyens canadiens, comme c’est le cas pour les élections. « Les non-citoyens peuvent être plus vulnérables à l’intimidation d’un État étranger », indique le guide.
Permettre l’accès aux registres actuels des électeurs pourrait aider à vérifier l’éligibilité.
Une proposition alternative limiterait le vote lors des élections à l’investiture aux citoyens ou aux résidents permanents.
D’autres recommandations possibles incluent :
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exiger des partis qu’ils publient les règles de la course à l’investiture, y compris qui peut être candidat, qui peut voter, les exigences d’identification des électeurs, le processus de vote et la manière de contester le résultat ;
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exiger des partis qu’ils publient des résultats de vote plus complets, tels que le nombre de bulletins exprimés et la répartition des voix ;
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interdiction explicite de pratiques telles que le fait d’inciter une personne non qualifiée à voter, l’intimidation visant à influencer quelqu’un à voter, l’offre ou l’acceptation d’un pot-de-vin lié au vote et le fait de voter plusieurs fois ;
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exigeant que tous les candidats à l’investiture déposent un rapport financier;
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et interdisant l’achat d’adhésions à des partis en gros ou l’utilisation de fonds de campagne.
Le guide souligne que les partis auraient toujours la possibilité de choisir un candidat sans tenir de course à l’investiture. « Les recommandations ne s’appliqueraient que lorsqu’une course à l’investiture a lieu. »
Élections Canada n’a pas immédiatement répondu aux questions sur l’état des consultations et les plans concernant une soumission à l’enquête fédérale.
La note d’information adressée à Perrault suggère d’apporter une modification législative qui obligerait les partis à disposer d’un ensemble de règles publiques pour les courses à l’investiture. Le commissaire aux élections fédérales pourrait jouer un rôle de surveillance et éventuellement imposer des amendes en cas de non-respect.
Une autre option serait de « laisser les partis s’autoréguler », ce qui est actuellement le cas pour les politiques de confidentialité des partis.
La question centrale est de savoir si Élections Canada réglementerait les courses à l’investiture avec des règles similaires à celles qui régissent les élections fédérales, traitant de sujets comme les travailleurs électoraux, l’identification et le dépouillement des bulletins de vote.
« Il s’agirait clairement d’une entreprise titanesque pour l’agence et ce n’est pas une option privilégiée », indique la note d’information. « Une telle approche rencontrerait probablement également une forte résistance de la part des parties. »