C’est peu dire que le Parti libéral du Québec (PLQ) est en mauvaise posture en ce moment : les résultats de la dernière élection ont été les pires de son histoire. Son soutien auprès des francophones diminue et le Parti québécois (PQ) se hisse en tête des sondages et promet un référendum dès son premier mandat.
Quoi qu’il en soit, les libéraux font le pari que leur prochaine course à la direction — qui débutera officiellement ce mois-ci — permettra à leur parti de retrouver sa place dans la hiérarchie politique québécoise.
Il serait présomptueux de considérer comme mort le plus vieux parti de l’histoire du Québec. Le PLQ a survécu à de nombreux défis au cours de ses 150 ans d’histoire.
De la domination à la marginalisation
Au début du XXe siècle, les libéraux provinciaux ont dominé la scène politique québécoise, occupant le pouvoir pendant près de 40 années consécutives, de 1897 à 1936.
Le PLQ « a élu 718 de ses candidats, comparativement à 171 pour ses adversaires. Les libéraux provinciaux ont donc remporté 87,6 pour cent des sièges à l’Assemblée nationale au cours de cette période. Ces résultats démontrent de manière convaincante l’emprise des libéraux sur la province pendant toutes ces années », écrit l’historien Michel Lévesque dans son histoire du PLQ.
Après près de quatre décennies rouges, il y a eu « une domination longue, presque ininterrompue, de l’Union nationale de 1936 à 1960 sous la direction de Maurice Duplessis », écrit le politologue Réjean Pelletier. Les temps furent durs pour les libéraux, qui ne furent au pouvoir que cinq ans durant cette période. En 1948, malgré 36 pour cent des voix, le PLQ n’élit que huit députés.
Le retour
Les années 1960 ont vu le retour des libéraux lorsqu’ils ont lancé la Révolution tranquille. L’Union nationale a repris le pouvoir en 1966 avec six pour cent de voix de moins que les libéraux. Le PLQ revient au pouvoir en 1970 et demeure au pouvoir pendant les six années suivantes. En 1973, les libéraux ont remporté 93 pour cent des sièges (102 sur 110) dans une victoire écrasante sur le PQ.
Les années 1960 constituent également un tournant keynésien pour les libéraux. « Sous la direction de Lesage, le PLQ a pris une orientation plus étatiste et a développé le secteur public tout en s’éloignant du secteur privé, rompant ainsi avec l’héritage libéral d’antan », écrit le politologue Frédéric Boily dans un texte intitulé « Le Parti libéral du Québec et l’émergence du centre-droit (1960-1976).
Après le keynésianisme, le PLQ s’engage dans la voie du néolibéralisme dans les années 1980. Cette tendance s’est poursuivie dans les années 2000 avec les gouvernements libéraux de Jean Charest et Philippe Couillard. Ce dernier s’est retrouvé avec un excédent budgétaire de 7 milliards de dollars, au prix de nombreuses coupes.
Quel avenir pour les libéraux ?
Après un règne presque ininterrompu entre 2003 et 2018 — avec un intermède péquiste qui a duré un an et demi entre 2012 et 2014 — les libéraux sont revenus sur les bancs de l’opposition officielle lorsque la Coalition Avenir Québec (CAQ) est arrivée au pouvoir. Le chef du parti François Legault a mis fin à plus de 40 ans d’alternance PQ-PLQ.
La course à la direction qui a suivi s’est terminée par la victoire de Dominique Anglade en mai 2020, après que son seul adversaire, Alexandre Cusson, ait jeté l’éponge.
Le manque d’enthousiasme à l’égard du leadership s’est reflété lors des élections suivantes. Anglade a mené son parti à son pire résultat jamais enregistré, avec 14,4 pour cent des voix. Bien que le PLQ ait obtenu moins de voix que Québec Solidaire (15,4 pour cent) et que le PQ (14,6 pour cent), il a élu 21 députés et a formé l’opposition officielle. Ce revers a forcé la première femme à diriger le PLQ à démissionner.
Les libéraux n’ont pas attendu le successeur d’Anglade pour se repositionner. Avec le déficit historique de 11 milliards de dollars de la CAQ, les libéraux ont pris fait et cause pour la rigueur budgétaire, accusant Legault d’avoir « dépensé comme un marin en fuite ».
Le Parti libéral joue la carte du nationalisme en proclamant sa volonté de doter le Québec d’une constitution mais les candidats à la direction qui adoucissent, voire « abandonnent » la réforme de la loi 101 (communément appelée loi 96), montrent qu’il existe encore des tensions au sein du parti.
La course ne sera pas facile pour le chef par intérim Marc Tanguay, qui doit diriger le navire à titre de chef de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale. Il refuse de commenter les positions des candidats, certaines d’entre elles pourraient servir de munitions à ses adversaires.
Le PLQ est officiellement contre le troisième lien, mais le candidat et député de Marguerite-Bourgeoys, Frédéric Beauchemin — et sa collègue Sona Lakhoyan Olivier, qui l’appuie — sont favorables au projet.
Les libéraux veulent se démarquer du Parti libéral de Justin Trudeau, qui a accumulé des déficits records ces dernières années. L’un des principaux candidats à cette course, Pablo Rodriguez, était jusqu’il y a peu ministre du gouvernement fédéral. Il s’est montré prudent quant à la rapidité de l’équilibre budgétaire, soulignant l’importance des services à la population.
Le changement de position du caucus sur le financement des écoles religieuses a soulevé la colère d’un autre candidat à la direction, l’ancien maire de Montréal, Denis Coderre.
Il reste encore un certain nombre de questions sur lesquelles les aspirants dirigeants doivent encore se prononcer, notamment la santé, l’éducation, l’immigration et les relations fédérales-provinciales.
Le PLQ est loin d’être mort. Dans le passé, les libéraux ont ajusté leurs orientations politiques en fonction du moment. Parviendront-ils à obtenir un gouvernement majoritaire lors des prochaines élections ?
A voir en 2026.