Une nouvelle thérapie sexuelle mise au point par une chercheuse de l’Université de Montréal aide les femmes dont le désir sexuel est en baisse, un problème qui toucherait entre 30 et 40 pour cent des femmes adultes.
La thérapie de couple a récemment été testée et standardisée par Sophie Bergeron, professeure au Département de psychologie de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les relations intimes et le bien-être sexuel. Elle fera désormais l’objet d’un essai clinique randomisé à compter de janvier.
« On parle de trouble de l’intérêt et de l’excitation sexuelle lorsque les femmes ont un faible désir pendant au moins six mois, accompagné d’une détresse importante », résume Bergeron. « Le faible désir chez les femmes est la raison la plus courante pour laquelle les gens consultent des sexologues et des psychologues de couple. »
Jusqu’à un quart des femmes qui connaissent une baisse de désir sexuel ressentent une telle détresse. Devant une telle situation, ajoute Mme Bergeron, les deux partenaires peuvent se remettre en question, se sentir inadéquats ou même commencer à douter de leur attirance pour l’autre ou de l’attirance de l’autre pour eux.
La thérapie, dit-elle, « aide à normaliser » ces sentiments, à comprendre « qu’il s’agit d’un problème courant » et à accepter que « ce n’est pas parce que les gens font quelque chose de mal qu’ils ont ce problème ».
L’étude de faisabilité menée par Bergeron et ses collègues Natalie O. Rosen, de l’Université Dalhousie, et Katrina Bouchard, de l’Université de la Colombie-Britannique, a entraîné des améliorations modérées à significatives des principaux symptômes de faible désir sexuel dyadique et de détresse sexuelle.
Plus de désir chez les hommes
Bergeron a déclaré que tout porte à croire que les hommes ont, à la base, un désir sexuel légèrement plus intense que les femmes.
Si certains hommes ont un désir plus faible, ajoute-t-elle, « la sexualité des femmes serait plus malléable, plus adaptable ».
Les troubles du désir sont rarement le résultat de facteurs biomédicaux, souligne Mme Bergeron. Ils découlent plus souvent d’interactions au sein du couple. Il est donc important de voir cela comme un problème qui concerne les deux partenaires, souligne-t-elle, et «on formule vraiment le problème comme appartenant au couple plutôt qu’à la femme».
« Une étude récente indique que cela pourrait être lié, entre autres, aux nombreuses responsabilités que les femmes ont encore dans les couples hétérosexuels, à leur charge mentale accrue », a déclaré la chercheuse. « Il y a donc aussi des facteurs psychosociaux importants qui joueraient un rôle. Les femmes ont beaucoup de responsabilités, beaucoup de travail, elles auront davantage à s’occuper des enfants, des parents âgés vieillissants, etc. »
L’intervention, offerte uniquement de façon virtuelle pour augmenter l’accessibilité, est basée sur la communication, l’acceptation, l’ouverture et la vulnérabilité entre les partenaires. Alors que d’autres thérapeutes verront la femme seule, cette intervention vise principalement à développer l’intimité au sein du couple.
Discussion ouverte
La thérapie invite également à discuter ouvertement de la sexualité, l’un des sujets les plus difficiles pour les couples, au point que beaucoup évitent d’en parler. Les participants à cette thérapie seront invités à partager leurs préférences sexuelles, par exemple.
Une grande partie de l’intervention porte également sur la démystification des mythes liés à la sexualité, notamment ceux qui conduisent les femmes à se culpabiliser et à se sentir coupables de leur manque de désir.
« Il faut enlever un poids des épaules de la femme, explique Mme Bergeron. Il faut comprendre le désir, quels sont les accélérateurs du désir, mais aussi quels sont les freins au désir. On demande au couple d’examiner son quotidien pour identifier ces facteurs. On va travailler beaucoup à développer et à approfondir l’intimité. »
« Nous travaillerons également à développer l’empathie », a-t-elle ajouté, car nous savons que c’est « un facteur de protection important qui améliorera le désir ».
La sexualité impliquant une grande part de vulnérabilité, « la capacité de réponse empathique de chaque partenaire est importante (…) car nous voulons que les couples puissent accéder à cette part d’eux-mêmes, se montrer vulnérables avec l’autre, et être accueillis en cela, donc à travers l’empathie. »
Les couples seront invités à pratiquer des exercices de conscience corporelle afin de se connecter au toucher, mais sans la pression que cela aboutira ensuite à une relation sexuelle.
« Le traitement ne vise jamais à augmenter la fréquence des relations sexuelles, explique Mme Bergeron. On ne cherche même pas à augmenter le désir, car cela serait contre-productif. On va mettre beaucoup l’accent sur la façon d’éprouver plus de plaisir dans les relations sexuelles. La logique est que plus on a de plaisir, plus on devrait avoir envie de s’y adonner un peu plus souvent. »
– Ce rapport de La Presse Canadienne a été publié pour la première fois en français le 27 juillet 2024.