Le gouvernement libéral minoritaire n’envisage pas de proroger le Parlement, a déclaré mardi la vice-première ministre Chrystia Freeland, malgré l’incertitude persistante quant à savoir qui est prêt à continuer à le soutenir et les querelles procédurales liées à un débat de privilège mené par les conservateurs.
Interrogée sur ces bavardages et sur la question de savoir si le Premier ministre envisageait de mettre fin à cette session parlementaire et de recommencer avec un discours du Trône, Freeland a répondu « non ».
Les travaux à la Chambre des communes sont au point mort depuis huit jours de séance consécutifs, alors que les députés sont confrontés à une discussion prioritaire sur le fait que leur travail est entravé par le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau qui ne remet pas les documents liés aux dépenses inappropriées d’un fonds de technologie verte, aujourd’hui disparu.
Fin septembre, le président de la Chambre des communes, Greg Fergus, a statué que les libéraux ne s’étaient pas pleinement conformés à un décret de la Chambre sollicitant des documents liés à un programme de Technologies du développement durable Canada que les conservateurs qualifient de « caisse noire verte ».
Cela a donné à l’opposition officielle la possibilité d’exiger que les libéraux remettent des copies non expurgées à la GRC et présentent une motion prioritaire pour – comme l’a suggéré le président de la Chambre étant donné les circonstances extraordinaires – que la question soit étudiée par le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre.
Les délibérations sur la proposition ont priorité sur la plupart des autres affaires de la Chambre et ont depuis lors essentiellement saisi les Communes. En conséquence, le gouvernement n’a pas été en mesure de débattre, et encore moins d’adopter, des lois clés du gouvernement.
Mardi soir, il n’y avait aucun signe d’échec du débat permettant à la question d’être soumise au vote.
«Nous sommes prêts à faire avancer cette affaire», a déclaré la leader du gouvernement à la Chambre, Karina Gould.
Le chef conservateur Pierre Poilievre s’est engagé mardi à poursuivre le débat jusqu’à ce que les libéraux cèdent.
«Nous n’allons pas simplement laisser 400 millions de dollars de corruption être balayés sous le tapis pour que Justin Trudeau puisse continuer sa journée», a-t-il déclaré aux journalistes dans le foyer de la Chambre.
Le chef conservateur Pierre Poilievre s’exprime dans le foyer de la Chambre des communes sur la Colline du Parlement à Ottawa, le 8 octobre 2024. LA PRESSE CANADIENNE/Spencer Colby
Les libéraux estiment que transmettre ces documents à la police créerait un dangereux précédent et constituerait un abus de pouvoir du Parlement.
S’adressant aux journalistes, Gould a déclaré que ce qui se passe dans la Chambre est une « obstruction systématique des conservateurs face à l’obstruction conservatrice ».
«Ils craignent que si cette étude est renvoyée en commission, les experts leur diront qu’il s’agit d’un abus de pouvoir flagrant… Et ce n’est pas parce que la Chambre a le droit de le faire qu’elle devrait le faire», a-t-elle déclaré.
Malgré l’impasse, le gouvernement libéral tente toujours de proposer une nouvelle politique. Freeland a dévoilé mardi de nouvelles mesures en matière de logement, destinées à faciliter la construction d’appartements secondaires, ainsi que des consultations sur la taxation des terrains vacants.
Mais la conférence de presse qui a suivi l’annonce a été dominée par l’état de la Chambre, ainsi que par des questions sur l’état des pourparlers avec le Bloc Québécois et le Nouveau Parti Démocrate concernant leur soutien aux futurs votes de confiance.
Sur ce dernier point, Freeland a déclaré que « des conversations constructives et très concrètes » étaient en cours avec les deux parties. Quant au blocage de la Chambre, elle pense que les partis reconnaîtront que les conservateurs « perdent un temps parlementaire précieux avec des motions dilatoires ».
Pour sortir de l’impasse actuelle, les libéraux minoritaires auront besoin d’un autre parti pour les aider à forcer la Chambre à passer à d’autres affaires. Mardi, le NPD ne semblait pas disposé à jouer ce rôle.
«Nous croyons que les Canadiens s’attendent à ce que les députés se comportent comme des adultes et retournent au travail. Les libéraux peuvent remettre les documents. Les conservateurs peuvent mettre fin à leur obstruction systématique de leur propre initiative», a déclaré le leader parlementaire du NPD, Peter Julian.
Sans aucune indication qu’ils seront aidés à mettre fin à l’impasse, les spéculations continuent de tourbillonner autour d’un autre levier que les libéraux pourraient utiliser pour sortir de l’impasse : la prorogation.
Il s’agit d’un bouton de pause parlementaire que le gouvernement minoritaire de Steven Harper a repoussé en 2009, au milieu d’un différend similaire concernant la divulgation de documents non expurgés concernant les détenus afghans.
Et même si Freeland réduisait les chances que Trudeau s’inspire de ce manuel et mette un terme à cette session, les observateurs politiques affirment que les libéraux feraient bien de garder cette option dans leur poche arrière.
«L’atmosphère à la Chambre des communes ne va pas s’améliorer. Les risques liés au déclenchement d’élections ne vont pas diminuer, ils vont augmenter. Et la nécessité pour le gouvernement de jouer des cartes différentes, de placer un se concentrer devant les Canadiens, changer de cap s’ils veulent éviter un résultat vraiment humiliant lors des prochaines élections, c’est vraiment primordial», a déclaré le commentateur politique de CTV News, Scott Reid.
«La prorogation vous donne le temps d’examiner ces possibilités et de procéder à un ajustement.»